Alibi.com 2

Aucune excuse pour ce qui va suivre. 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la carrière de Philippe Lacheau aura fait couler beaucoup d’encre. Critiques, journalistes et cinéphiles s’en donnent à coeur joie pour se moquer des dernières comédies de la Bande à Fifi. De Babysitting en passant par Epouse-moi mon pote (réalisé cette fois par Tarek Boudali) ou Super-héros malgré lui , les critiques sont rarement élogieuses à l’encontre des productions du groupe comique. Les cinéphiles de l’Hexagone ont dans leur inconscient collectif la vision d’un cinéma bas-de-gamme, vulgaire et rétrograde (cf. Les accusations d’homophobie contre Epouse-moi mon pote) qui ne trouvent que peu de grâce à leurs yeux. Néanmoins, il semblerait que le grand public ne partage pas l’avis du microcosme cinéphile puisque chaque film de la Bande à Fifi est un succès en salles. En effet, ces long-métrages dépassent à chaque fois le million d'entrées et deviennent rapidement rentables face à des budgets souvent honorables (autour des 10 millions).

Ceci étant dit, je me suis longtemps demandé où se situait la vérité parmi tous ces avis contraires. Et croyez-le ou non, j’ai trouvé la réponse avec Alibi 2, sorti en salles le 8 février 2023. 

Pour mettre un peu de contexte à cet avis, je vais vous parler rapidement de mon rapport au cinéma de la bande à Fifi. D’une manière générale, je suis assez réceptif aux films de Philippe Lacheau. Pourtant, je ne suis pas particulièrement fan des comédies françaises de ces dernières années. J’avais bien aimé Babysitting qui est plutôt inventif et ludique et j’avais été assez surpris par Super-héros malgré lui (bien que le film soit inégal) qui marche bien comme comédie potache. Le fait que les rôles principaux soient pour la majeure partie du temps incarnés par les membres de la bande donnent un aspect attachant aux films. Il y a un côté film de bande, qui je dois l’avouer, m’est très sympathique. En revanche, lorsque Tarek Boudali passe derrière la caméra (30 Jours Max, Epouse-moi mon pote) le résultat équivaut la plupart du temps au coma éthylique filmique. Et bien sûr, l’absence totale de créativité dans la mise en scène et de cohérence dans la succession de sketch n’aident en rien à la qualité des métrages. 

Et il y a la saga Alibi (car il faut croire maintenant que c’est une licence vu qu’un troisième opus serait dans les cartons). Si j’avais trouvé le premier opus sympathique sans non plus passer un moment exceptionnel devant, je trouvais le concept original et créatif. De ce fait, j’étais très curieux de découvrir la suite. Et autant le dire d’entrée : Alibi 2 est une très bonne comédie. Et ce pour un certain nombre de raisons. 

Alibi 2 est un film généreux. Qu’est-ce que j’entends par là ? Il l’est dans le sens où tout est pensé pour faire passer un bon moment au spectateur sans le « prendre en otage » - pour reprendre les mots de Quentin Dupieux lorsqu’il parle de son propre cinéma - et le divertir de manière intelligente. Oui oui, vous avez bien lu, Alibi 2 est un film malin, intelligent qui a parfaitement conscience des outils à sa disposition pour déployer tout le petit savoir faire dont il fait preuve pendant 1h30. Le film ne cherche jamais à être subtil (bien que ce soit ontologique à n’importe quelle comédie potache/absurde !) Puisqu’il recherche la malice et joue en permanence avec les codes de la comédie. L’humour se veut irrévérencieux tout en impliquant le spectateur sur ce qui se joue à l’écran. Je prendrais pour exemple la géniale séquence de l’alter ego d’Alibi, Habibi au Maroc. En plus d’amener des guests comme Gad Elmaleh (rendant de ce fait une sorte d’hommage à quelques-uns de ses sketchs cultes) et Rédouane Bougheraba, cette séquence témoigne de la créativité dont est capable la bande. Une parenthèse drôle qui continue la narration à merveille, il faut être de mauvaise foi pour ne pas rire devant.

J’oserais même dire que d’une manière générale, ce genre de film est un véritable vent de fraîcheur dans le paysage comique français (cf. Les inévitables comédies racistes comme Cocorico). Enfin une comédie qui tente de conjuguer dialogues drôles et gags visuels ludiques. On ne se contente pas de raconter des blagues à l’écran. Ici, Philippe Lacheau allie le comique de situation à l’action et aux différents gags. La réalisation est bien plus qu’efficace (même si on est d’accord, dans ce film on ne compte pas réinventer le cinéma). A l’image de la scène de baston-mariage qui déborde d’idées visuelles. 

De plus, ce que j’aime avec Alibi 2, c’est à quel point on voit que cette bande croit à leurs histoires. L’alchimie entre tous ces acteurs, notamment entre Lacheau et Fontan (en couple dans le film comme dans la réalité) donne une plus value non négligeable au film qui le rend touchant par moment. Mention spéciale au duo Boudali-Arruti que je trouve hilarant. On sent que tous ces acteurs prennent leur pied à nous faire rire, tout en osant et en assumant se mettre dans des positions inconfortables pour le faire. Le film cède très peu au second degré et croit sincèrement en ses personnages, et moi je trouve que c’est chouette. 

Alors oui j’admets tout n’est pas hilarant, quelques blagues sont un peu lourdes. Mais c’est le jeu, on ne rit pas tout le temps pour chaque scène. Mais même dans les plus grandes comédies tout n’est pas hilarant, arrêtons un peu de céder facilement à la nostalgie. Une comédie de cette prétention n’a pas à viser la perfection (si tant est qu’une telle chose existe au cinéma) tant qu’elle est efficace et ludique. Aussi, je vous encourage sincèrement à donner une chance à Alibi 2, qui pulvérise de loin le premier opus et qui est un exemple de bonne comédie populaire. Si vous savez d’avance que vous n’êtes pas le public, ce n’est peut-être pas la peine de s’infliger un film qui ne vous intéresse pas.

Donc si je vous ai donné envie de reconsidérer ne serait-ce qu’un peu le cinéma de Philippe Lacheau, alors cet avis aura eu de l’intérêt. 

Alibi 2, avec ses plus de 4 millions d'entrées, est le plus grand succès de la bande à Fifi. Le film a bénéficié d’un très bon bouche à oreille, donc je ne dois pas être le seul à avoir apprécié ce second opus. Je vous encourage donc à regarder Alibi 2, si vous cherchez une comédie légère et efficace, qui n’est peut-être pas tant que cela un plaisir coupable.

Par Demetrio Speranza