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Coup de cœur - Soundtrack to a Coup d’État de Johan Grimonprez : Questions de rythme et de politique

  • Aristão de Souza Barrozo
  • 3 oct.
  • 2 min de lecture

Dernière mise à jour : 3 oct.

Lorsqu’un film se repose presque exclusivement sur sa maîtrise technique du montage, plusieurs choses sont à réfléchir. Il s’agit d’une part de savoir bien choisir les images qui vont illustrer un propos et aussi comment les mettre en relation entre elles pour lui donner forme, lui donner une consistance. Soundtrack to a Coup d’État est l’un de ces documentaires ambitieux ayant fait le choix de se construire uniquement sur la base d’images, vidéos et sons d’archives pour établir un discours politique sur la (dé)colonisation.

Trois personnes à l'arrière d'une voiture : deux hommes et au milieu une femme. La femme porte des lunettes de soleil. Tous regardent vers la caméra.

Le grand avantage de ce style de film, « à montage », c’est qu’il permet de mettre en perspective toutes les images qu’il choisit de montrer. Il prend de la distance pour pouvoir savoir quelle dynamique leur accorder et surtout comment les manipuler pour leur donner une matérialité propre. Soundtrack to a Coup d’État choisit de mettre en rapport des images politiques avec des musiques de jazz, et cela va conduire toute la mise en forme esthétique de l’œuvre. Le montage possède véritablement une dynamique d’avancée, dans la mesure où le rythme de succession des images embrasse tout un style de composition inspiré du jazz et porte le tout vers une dimension auto-réflexive. Il me semble qu’en choisissant d’embrasser une rythmique proche de la musique de ces années-là, Grimonprez procède en effet à une critique du rôle du jazz dans la mondialisation. En recréant une ambiance rythmique, Soundtrack to a Coup d’État parvient ainsi à structurer tout un discours politique fascinant et important.


Car oui, en plus d’être une réflexion et un essai sur la rythmique du montage, il prend le parti de construire toute sa forme autour d’un contexte politique tendu : celui de la décolonisation, notamment des pays d’Afrique. Pour cela, il prend un cas particulier et le décortique, l’analyse et le remet au goût du jour : celui de l’influence impérialiste belge et américaine (pour être davantage précis : occidentale) qui va conduire à l’assassinat de Patrice Lumumba au Congo. Le film va alors profiter du montage réfléchi entre images et sons pour considérer l’influence historique de la musique sur des prises de décision politique, et vice et versa. Sa forme générale entoure alors ce contexte politique, ce qui crée un lien entre eux deux, invitant le spectateur à méditer sur les rapports entre art et politique, sur l’image médiatique des artistes dans un monde sur-médiatique et de leur importance politique dans le tissu social de nos civilisations. Le rythme très travaillé du film fait que la durée conséquente (il dure environ deux heures et demie) ne se ressent pas, puisque sa structure est réfléchie justement pour rendre l’activité intellectuelle stimulante.


Il est donc important de prendre le temps de se déplacer pour aller voir Soundtrack to a Coup d’État car il mobilise des concepts de montage intéressants autour d’une problématique politique primordiale, surtout au vu de nos contextes actuels. C’est aussi un très bon rappel que l’Histoire s’écoule non seulement de manière logique, mais aussi, et surtout, fragmentaire. Il est donc important de prendre des cas particuliers, de les analyser sous la lumière d’une thèse, d’une idée directrice, pour pouvoir la réfléchir et aboutir à une avancée vers une pensée globale et cohérente autour, dans notre cas précis, de la décolonisation et des luttes politiques.


Aristão de Souza Barrozo

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